mercredi 7 avril 2010

Rara fanm

Rara fanm fin Awoyo !

Rara fanm vient d’émettre Awoyo, leur premier disque. Une dizaine de chanson rara avec une touche originale, féminine. Les femmes, les hommes, les enfants, le rara, les dieux sont les principaux thèmes. Dieuvela Etienne, la reine de Rara fanm nous a fait découvrir ce disque très awoyo !

Peux-tu nous conter l’odyssée de Awoyo ?
Ce projet existe depuis la formation de rara fanm en 2005. Comme tout groupe musical faire un album est un objectif incontournable. A chaque fois qu’on s’apprêtait à l’émettre, on avait l’impression qu’il y avait quelque chose qui manquait. On a du travailler, retravailler et enfin on a réussi à le faire grâce au soutien du CGF, le Centre de gestion des fonds de la coopération canadienne. On l’a enregitré à Musiclab,la production est faite à New York. Le lancement officiel a eu lieu à l’hôtel Montana le premier octobre.

Comment a été l’expérience en studio ?
A la fois très convivial et très dur parce que c’était durant une période pluvieuse. Rara fanm chaque soir se déplaçait à bord d’un pick-up. Celles qui se tenaient en arrière recevait un bain (rires). On avait pensé à apporter une cafetière électrique. On prenait un thé chaque soir afin de calmer nos cordes. Cela nous aidait à combattre la pluie car le risque de la grippe était imminent et aussi l’environnement extérieur n’était pas tout à fait sain. C’était très intéressant. Celui qui procédait à l’enregistrement était le seul homme parmi un tas de femmes. On jouait aux jalouses (rires).Il jouait au « mature ».On pas aussi rencontrer d’autres artistes. C’était chaleureux. On rentrait vers onze heures minuit. Des policiers nous arrêtait pour inspecter si tout allait bien mais dès qu’on leur dit c’est Rara fanm, cela devenait plus cool


Que représente Awoyo pour rara fanm ?
C’est d’abord un beau mot créole, il dégage de l’énergie, c’est une façon pour nous de symboliser toute cette énergie dont fait montre les membres de rara fanm. C’est le mot qui va le mieux avec le rara. C’est la vivacité, les couleurs vives la chaleur, beaucoup de spontanéité, de défoulement…

Qu’est-ce que cela veut dire pour vous d’avoir un disque à l’appréciation du public ?
C’est un produit en plus qui permettra à Rara fanm de voyager sans se soucier du temps et de l’espace. Avec ce disque, les fans n’auront pas à se déplacer tout le temps pour nous apprécier. Dans l’intimité de leur maison, ils peuvent découvrir nos messages. Mais une chose est sûre nous irons très loin, ce disque n’est qu’un début à tout ce que nous projetons de faire.
Ce disque est un début très franc, très naïf. C’est vraiment notre jeunesse, c’est de la pureté artistique. Un produit culturel qui vient enrichir la production des femmes, la production locale qu’est le rara. Il n’y a pas beaucoup de production rara enregistrées et de plus dans le style qu’on le fait. Beaucoup estiment qu’il est très original, très original et très beau. Je crois que cela vient renforcer la diversité de la musique haïtienne.

Sur le disque deux chansons dont Timoun yo (plage 4) et Ich liebe dich Papy(9) parlent chacune des hommes dans deux registres différents ?
Timoun yo est un sujet qui qui concerne et les hommes et les femmes. Elle aborde la paternité responsable. Récemment le ministre à la condition féminine et aux droits de la femme a soumis une loi à ce sujet. Dans la tradition haïtienne, beaucoup de famille sont monoparentales. C’est souvent les femmes qui s’occupent des enfants. Cette chanson a la vocation d’endiguer ce fléau. Tel qu’il est dit dans la chanson « yon timoun bezwen afeksyon papa l menm jan li bezwen afeksyon manman’l. Il est courant dans notre pays de voir un homme chérir une femme pendant qu’ils sont amants. Dès qu’une grossesse survient, l’homme prend la fuite. Il est dit dans le chant « nou pa dwe fè pitit san nou poko prè », il faut qu’il y ait un dialogue entre les conjoint afin que l’enfant ne vienne pas subir les conséquences des inconséquences. La nutrition, l’écolage, l’affection sont obligatoires pour son développement. Un enfant qui ne connaît pas l’un de ses parents en souffrira beaucoup et partira surement à sa recherche afin de combler ce manque.Il fallait en tant que femmes écrire ce texte sur ce sujet qui nous préoccupe. C’est fondamental car les enfants représentent l’avenir.
Mettre les hommes en face de leur responsabilité n’est pas une façon de les dénigrer ou de leur témoigner de notre haine. La plage. 9 fait l’apologie des hommes parce qu’ ils ne sont pas tous irresponsables. Il y en a qui se soucient de leurs enfants en dépit parfois du fait qu’ils ont des problèmes avec la mère. Ce sont des hommes sérieux ! Cette chanson met l’accent sur la sensualité, le charnel. On peut déceler des rapports de corps. Les femmes invitent les hommes à venir jouer au tambour avec elles. Il y en qui peuvent croire que les femmes jouent au tambour à dessein de rivaliser avec les hommes. Entre Hommes et femmes il ne doit et femmes jouent au tambour ensemble, cela fait un beau tableau. C’est dans ce contexte que cette chanson a été réalisée. De plus la majorité de nos fans sont des hommes. Ils nous aident, ils nous entourent, c’était obligatoire qu’on leur dédie une chanson.

Comment comptez vous exploiter l’album ?
Suite à la première vente-signature qui eut lieu à Montana, on va procéder à d’autres dans des villes de province comme Saint-Marc, Les Cayes, Cap-Haïtien et Jérémie. Une tournée à l’extérieur s’en suivra. On est en train de planifier pour le Canada, on pourra aussi aller en Europe, on travaille d’arrache-pied à faire découvrir ce disque et Rara fanm qui est un concept tout à fait original dans une Haïti dominée par le compas. Le compas est très commercial. Le rara ne l’est pas.C’est réservé à des moments très spéciaux. Très magiques. C’est pourquoi le commercial ne nous tente point. Nous voulons faire quelque chose qui participe à la diversité, qui invite au voyage, qui est différent qui rend heureux.

Propos receuillis par Chancy Victorin
chancy11@hotmail.com



Les titres

Oudoudwa Ibolele :Une prière à l’homologue féminin du dieu Legba, maîtresse des carrefours, maîtresse des chemins. Avant d’arpenter les rues, les principaux membres du groupe rara se rassemblent dans un moment spirituel.

Mange :Une invitation à manger. Le manger demeure un élément essentiel dans la tardition rara. Dans les konbit , dans les rues, dans les lakous, partout où se présente le rara, il faut servir à manger, particulièrement le tchaka, un repas nutritionnellement riche. Et ce sont les femmes qui préparent à manger.

Tezen
Chant d’un célèbre conte populaire haïtien, réadapté avec tambour et accordéon. C’est un bal matinal sous la fraîcheur des grands mapous autour du café. Les membres du rara, satisfaits de leurs sorties nocturnes, se réjouissent avant leur prochaine déambulation.

Timoun yo :Préocupation des femmes face à l’irresponsabilité paternelle. Les chants raras, écrits par les sambas, érotisent et dénigrent habituellement l’intimité des femmes. Rara Fanm change le cours des discours.

Gede : Une réadaptation suave et pimentée des chants guédés avec des phrases choquantes pour les oreilles sensibles mais d’une vérité inouïe. Les guédés, dieux de l’érotisme, de la vie après la mort, de la liberté et de la transgression, se présentent et se manifestent toujours à mi-chemin des défilés rara.

Se vakans nan peyi’m : après la saison rara qui se boucle au mois de mai, arrive les grandes vacances estivales. C’est le moment d’atténuer la chaleur du rara par la douce note des troubadours.

Pinga sa : un morceau solennel, sensibilisant contre la violence. Car, bien souvent, dans les bandes rara comme dans les quartiers, la violence éclate pour un oui, pour un non et des gens meurent. Des oppositions idéologiques, politiques, sociales sont souvent à la base.

Rires :c’est l’émergence de rara fanm, son tout premier morceau rythmique, une joie, une force.

Ich Liebe dih papy : un hommage à tous les hommes, de toutes les nations, particulièrement ceux de la scène. Le rara rassemble symboliquement toutes les nations à travers les ses foulards de toutes les couleurs.

Nou salye yo : Un hommage à toutes les femmes dans tous les domaines, particulièrement à la reine indienne du Rara : Anacaona.

La pochette, une œuvre d’art à se procurer.
Awoyo peut être vendu autant à Artisanat en fête qu’à Musiques en folie.

La pochette de Awoyo est une véritable œuvre d’art. La couverture est agrémentée d’un acrylique signé Larochelle Josenti évoquant la bande en action tandis que quelques photographies des interprètes enjolivent les pages intérieures.

Dieuvela, ,enchanté de faire ta connaisance
J’ai à maintes reprises vu cette femme se produire sur scène ou déambuler dans la rue. Elle ne passe jamais inaperçue. Ses cheveux souvent teints, son look mi-tomboy, mi-rara dérange parfois certains ou épate d’autres.
La femme gentille que j’ai découvert à la fin de notre entretien n’a rien à voir avec cette virago aux énormes lunettes que je m’imaginais quand je l’ai aperçue dans la salle d’attente.
Elle se dépêche toujours comme une femme d’affaire. C’est comme quoi normal pour une jeune femme qui a crée la première girls band dédié au rara.
A travers cette entrevue liée au premier disque de son groupe, on découvre une militante, une amoureuse, un être humain qui n’a pas perdu le sens des choses. Par-dessus tout une femme qui a beaucoup de culture.